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HISTOIRE DE BELLEVAUX

L'ORATOIRE DE LA DENT ou de l'EXPIATION

Cet oratoire est situé en bordure de la route des Nants, à égale distance, ou peu s'en faut, entre l'épingle à cheveux que fait la route, vers le "Boua à Nolly" et le Pont de la Chaume, sur un versant abrupte.
Sur un socle en maçonnerie, avec pierres apparentes, est posé un bloc rocheux dans lequel est creusée une niche contenant une statuette de la Vierge et une sculpture sur bois représentant deux mains jointes, et fermée par une vitre protégée par une grille en ferronnerie. L'oratoire est abrité des éboulements et des avalanches par un auvent en béton, supporté par deux piliers, surmonté d'une croix en fer forgé et sur le fronton duquel sont gravés le nom de l'oratoire et deux dates : 1600 et 2007.
L'oratoire de la Dent est, sans nul doute, le plus ancien oratoire de la Paroisse de Bellevaux. Son origine est liée à un drame qui s'est joué, à cet endroit, à la fin du XVIe siècle et que le Prieur SAGE, curé de Bellevaux de 1870 à 1895, a relaté dans ses Cahiers Manuscrits.
Dans ses NOTES SUR LA PAROISSE DE BELLEVAUX , le Prieur SAGE écrit : " Une tradition locale nous apprend, qu'au retour de Thonon, quelques-uns des trois cents premiers convertis, justement indignés de la conduite du ministre protestant qui n'avait rien négligé pour les retenir dans l'erreur, se rendirent immédiatement à sa résidence. Là, ne l'ayant pas rencontré mais appris qu'il avait pris la route des monts, ils se mirent à sa poursuite et l'ayant atteint, le saisirent et le précipitèrent avec une telle violence dans la rivière qu'il fut tué raide. BERNE, informé de cet outrage fait à son ministre, intenta un procès à BELLEVAUX. (Les pièces de ce procès sont aux archives de Berne, dit-on.) Aujourd'hui, on voit dans le rocher, vis-à-vis de l'endroit où cet homicide a été commis, un petit oratoire d'expiation".
Dans son PRECIS HISTORIQUE DE L'ANCIENNE CHARTREUSE DE VALLON, le Prieur SAGE revient sur cet événement, en y ajoutant des précisions. "Nos hommes de Vallon, à leur retour de Thonon, se rendirent, en compagnie d'un certain nombre de ceux de Bellevaux, à la Cheterie, maison du ministre de l'Erreur. Ne l'ayant pas rencontré, ils se mirent à sa poursuite et l'ayant atteint sur la route qui conduit au Nant, quelques bras vigoureux le saisirent et le jetèrent dans l'eau avec une telle violence qu'il y périt misérablement. Sans doute cet acte était condamnable en soi, mais vu les moeurs du temps et surtout vu la haine que nos jeunes convertis portent au ministre de l'Erreurs, ne devrait-on pas les excuser grandement et dire qu'ils ont péché par excès de zèle ".
La tradition locale que nous rapporte le Prieur SAGE n'est pas une légende, mais c'est le récit d'un fait réel. Outre les pièces du procès qui s'en est suivi avec Berne, il existe, aux Archives de Genève, des documents portant sur l'édification d'un oratoire, à Bellevaux, vers 1600, " en expiation de l'attentat commis contre un ministre de la Religion Réformée ".
C'était donc au retour des Quarante-Heures de Thonon, le 21 septembre 1598, que des nouveaux convertis au catholicisme de Bellevaux, encore éblouis par le faste des cérémonies qui ont entouré leur abjuration du protestantisme et surtout subjugués par les imprécations véhémentes du capucin CHERUBIN de Maurienne, ont cru ne pouvoir mieux faire que d'aller rosser le dernier pasteur protestant encore présent dans la Paroisse, le ministre luthérien, installé à Vallon par les Bernois et résidant à la Cheterie d'en bas.
Le pasteur, nommé par CALVIN à Bellevaux, avait quitté son poste depuis deux ans déjà.

L'infortuné ministre de la Religion Réformée s'appelait Jean LUTHER. Son nom a été retrouvé aux archives de Turin.

Le Prieur SAGE dit que l'oratoire édifié en expiation de l'homicide commis est un petit oratoire dans le rocher, mais n'en donne pas la description. Lucien REVELIN, dans son inventaire des ORATOIRES DE LA HAUTE SAVOIE, édité en 1980, en parle ainsi : " Une niche, ménagée dans une paroi de rochers, fermée par une vitre et une grille moderne, protège une Vierge de Lourdes. ". Par grille moderne, il faut entendre la grille en ferronnerie ouvragée, qui est toujours sur l'Oratoire de la Dent.
En 1987, l'élargissement du chemin des Nants a nécessité le minage du rocher de l'Oratoire de la Dent. Pour sauvegarder la niche et la garder intacte, il a fallu la détacher en taillant dans la pierre. Elle a ensuite été entreposée, à même le sol, en bordure de chemin.
En 2007, c'est Michel GAVARD qui a l'idée de relever cette niche, vieille de plus de quatre siècles et de restaurer l'Oratoire, tel que nous le voyons aujourd'hui.
La sculpture sur bois est d'Iréné VOISIN. Les mains jointes sont un emblème protestant.
Août 2013, Jean MEYNET - La Cour - Bellevaux